« Un tableau est silencieux. Il n’est pas muet mais il est silencieux. Ce qui est peint ne bouge pas, ne pleure pas, ne s’en va pas, mais ne répond pas.

Parfois dans ces bocaux, c’est le bonheur qu’on emprisonne, parfois c’est un mauvais rêve, quelquefois c’est la vie des autres. Il faut être révulsé par le grand tourbillon, tenaillé par un besoin de figer ce qui fuit, c’est à dire tout, angoissé par le besoin de sauver, de prouver qu’une permanence est possible, pour peindre.

Je dis ça mais c’est une idiotie. Certains peignent avec l’ambition strictement contraire.

Quoi qu’il en soit, tous les tableaux sont mécaniquement silencieux, et cela intimide souvent, cela fait un peu peur, cela gêne en tout cas, a priori tout le monde. En face d’un tableau, il ne s’agit pas de rester coi ni même – si vous voulez mon sentiment – de parler du tableau, mais plutôt « de faire parler le tableau ».

Car la peinture n’est pas là pour nous faire taire. C’est à chacun, sans crainte du ridicule ou quoi, de s’improviser son interprète. Les tableaux essaient comme ils peuvent de nous faire parler, parler du temps qu’il fait ou d’autre chose que du temps qu’il fait, d’un peu tout.

Des tableaux, chacun devrait, a le droit sans contrainte, de faire taire le silence. »

Marc Molk