Pierre Malachin
« Les larmes d'Eros », mai 2012
D’évidence les peintures de Marc Molk nous placent dans un sentiment inconfortable et presque anachronique de romantisme qui tient d’un état de bouleversement. Certes, cet artiste autodidacte peint des sujets immuables et universels : la mort, la guerre, l’amour possible et impossible ou encore l’amitié, autant de thèmes qui continuent de se déployer au-delà de l’académisme dans l’histoire de l’art.
Pourtant, ces sujets ne sont que prétextes pour Marc Molk à déployer un univers pictural très singulier où s’entremêlent pêle-mêle couleurs pastel et vives, techniques traditionnelles et inventions techniques virtuoses, compositions épurées ou baroques.
Jean-Yves Jouannais
« Tout se mélange dans mon esprit », mars 2011
Jean-Yves Jouannais : Je suis très intrigué par l’insistance avec laquelle tu désignes nombre de tes toiles par un titre exotérique, destiné à un large public, et par un intitulé ésotérique, confidentiel. Même si tu sembles le faire sur un ton badin, je voulais savoir si tes images se donnent à décrypter suivant cette double logique. Pour reprendre une image classique de l’ésotérisme, existe-t-il dans tes images, à la fois une écorce et un noyau, un corps et une moelle ?
D’avoir pu lire ton livre Pertes humaines, qui est en partie autofictionnel, m’invite à évoquer une hypothèse. C’est comme si le noyau ou la moelle de tes tableaux était essentiellement constitué d’une matière enracinée dans les émois de l’enfance et de l’adolescence, tandis que l’écorce ou le corps consistait en leur manifestation adulte, mature, politique. Je pense en particulier aux Noces Vermeilles alias « La Vie de ma soeur » ou bien encore à La Troisième Républiquealias « La Mort de Daniel ».
Eloïse Lièvre
« Les dessins mouillés de Marc Molk », janvier 2010
Puisqu’il faut parler, écrire, enrober de mots, sarcler, décrire, alors il faut tout d’abord noter la technique employée, et sa mélancolie intrinsèque, son côté « inondé de larmes ». Marc Molk réalise « des dessins mouillés ».
Il faut du courage pour abandonner ainsi des compositions soignées, au trait fin, gourmandes en temps, en précision, à l’action de l’eau. Je me suis laissé dire d’ailleurs que plusieurs dessins, beaucoup, n’y avaient pas survécu. On ne commande pas à l’eau d’aller à gauche ou à droite, ou si peu. Le trait se dissout, perd en rigueur, gagne en fluidité, en complexité. Parfois ce sont des cheveux qui s’en échappent et forment une sorte de crinière. Parfois on dirait les traces du crépitement d’une pluie minuscule et torrentielle, qui désagrège « le fil du trait ». Ce fil reste pourtant toujours présent, quelquefois sous la forme d’une trace fantôme, presque orangée.
Pierre-Yves Quiviger
« La forêt française de Marc Molk », septembre 2008
Je crois que je n’oublierai jamais l’après-midi où Marc Molk m’a montré ce tableau, presque achevé, dans son atelier. J’étais debout, un peu tremblant, la voix cassée, et il me disait « ça s’appelle La libération sexuelle ». Et je voyais bien qu’il y avait une femme jambes écartées, avec l’origine du monde ; je voyais bien sa vulve offerte contrastant avec le haut de son corps inaccessible derrière la couronne d’épines et son visage en larmes.
Mais avant de voir cette femme, j’ai vu son double, derrière, et l’arrière-pays, comme dans le livre d’Yves Bonnefoy, de 1972, l’année de naissance de Marc Molk. J’ai vu la forêt française comme je ne l’avais pas vue depuis Watteau ou Boucher – nuage-vulve, forêt-matrice.